Dabiète et menus gourmands c'est possible

Dabiète et menus gourmands c'est possible


Avoir un diabète n’empêche pas de faire de bons repas. En revanche, la maladie implique des changements parfois importants de comportement alimentaire. Les conseils d’une diététicienne peuvent alors se révéler très utiles.
Par Patricia Bernheim

On pense encore trop souvent que les régimes pour personnes diabétiques sont tristes, contraignants et frustrants. C’est l’une des idées reçues combattue par Anne-Marie Christeller, diététicienne diplômée, qui travaille depuis vingt ans à l’Association genevoise des diabétiques. Elle est également rédactrice et responsable de la rubrique diététique du «Journal des diabétiques», pour lequel elle publie depuis des années des recettes très appréciées des lecteurs.
Elle est aussi l’auteur du livre intitulé «Menus plaisirs»*. Comme les autres spécialistes du diabète, elle constate une forte augmentation du diabète de type 2, mais aussi que les gens touchés sont de plus en plus jeunes. Il n’est plus rare, aujourd’hui, de rencontrer des trentenaires diabétiques, alors qu’il y a quelques années encore, la moyenne d’âge tournait autour de 45 à 50 ans. Ses clients sont pour la plupart envoyés par leur médecin, d’autres la consultent spontanément, pour effectuer un bilan lors d’une prise de poids, par exemple. 
Essentielles: En quoi consiste exactement votre intervention?
A-M. C.: La prévention du diabète reposent sur deux piliers: l’activité physique et un changement du comportement alimentaire. A quoi il faut ajouter les médicaments, dans le cadre du traitement.  Or, un changement de comportement profond n’est pas chose aisée. Si l’on veut que le changement soit durable, il faut respecter un certain nombre d’étapes. La première d’entre elles vise à faire un bilan des habitudes alimentaires qui peuvent générer une prise de poids.
Dans un deuxième temps, la personne doit prendre conscience que ces mauvaises habitudes ont un lien direct avec la maladie. Cela peut prendre du temps. C’est important de respecter le rythme de la personne. En effet, c’est seulement une fois la prise de conscience faite que le changement pourra être amorcé. C’est un travail lent et long, parce qu’il fait appel à d’autres habitudes alimentaires. Or, l’alimentation fait partie de la culture familiale. Elle a aussi à voir avec l’affection, les traditions.
Et puis, le diabète touche souvent deux personnes: celle qui est atteinte et son conjoint. Dans le cas d’un homme diabétique, il arrive que son épouse culpabilise, qu’elle ait le sentiment d’avoir fait faux pendant des années. Dans nos consultations, nous tenons aussi compte de ce facteur-là. Au-delà de l’alimentation, c’est donc une prise de conscience globale des habitudes de vie qu’il faut faire.
Essentielles: Quelles sont les mauvaises habitudes les plus courantes?
A-M. C.: Une alimentation trop grasse ou contenant beaucoup de graisses cachées, comme la charcuterie, les fromages et les sauces. Mais encore l’irrégularité des repas, le fait qu’ils soient mal structurés et le grignotage excessif d’aliments naturellement gras en dehors des repas. Chez les jeunes, ce sont les boissons sucrées.
Essentielles: Est-ce que les mots suffisent pour en faire prendre conscience?
A-M. C.: Je préfère présenter les choses de manière très concrète. J’ai, dans mon bureau, des aliments comme des féculents, des pâtes, du riz, des légumineuses. Je les divise en portion et montre l’équivalent en sucre. Ainsi, 50 g de tresse sont équivalents à 7 morceaux de sucre.
Je fais de même avec les graisses: j’ai d’un côté une portion de charcuterie, de l’autre son équivalent en huile, soit presque 6 cuillères à soupe. Si, à l’issue d’une séance, un seul nouveau comportement alimentaire est acquis, j’estime que c’est une bonne séance. Par nouveau comportement, j’entends prendre un petit déjeuner au lieu de commencer la journée le ventre vide, sans parler de la quantité et de sa qualité.
Pour les «avaleurs» (ceux qui mangent très vite), le changement peut être de ralentir un peu leur rythme. Le sentiment de satiété survenant une vingtaine de minutes après le début du repas, ils mangeront automatiquement moins s’ils mangent moins vite.
Essentielles: L’adhésion de la personne au régime est-elle importante?
A-M. C.: Elle est indispensable! C’est elle qui va suivre le régime, c’est elle qui doit changer ses habitudes. Elle doit donc être convaincue. Il est important aussi de préciser que le discours des professionnels du diabète a évolué, ces dernières années.
Avant, les régimes étaient très restrictifs, il y avait beaucoup d’interdits. Aujourd’hui, on en est revenus. Les interdictions ne servent à rien, parce qu’elles sont mal vécues. Elles empêchent d’avancer, génèrent de la frustration. C’est donc à la personne de décider ce qu’elle est prête à abandonner. Notre rôle est de l’aider, pas à pas, à modifier son comportement alimentaire.
Essentielles: Y a-t-il un aliment type particulièrement difficile à lâcher?
A-M. C.: Sans conteste le chocolat, pour ceux qui y sont accros. Mais, dans la mesure où l’alimentation d’une personne diabétique est contrôlée, c’est-à-dire lorsque la personne connaît la teneur en sucre ou en graisses des aliments, elle peut très bien inclure une barre de chocolat dans le calcul de sa ration glucidique et énergétique quotidienne. De même, une choucroute (et sa garniture de charcuterie) n’est pas interdite, si c’est une fois de temps en temps…
Essentielles: Elles peuvent donc, malgré tout, y trouver leur compte?
A-M. C.: Le renoncement est plus facile si, en échange, elles acquièrent des techniques pour préparer des recettes tout aussi délicieuses, mais moins riches en matière grasse. Petit à petit, on introduit donc de nouveaux éléments. C’est un travail sur le long terme. Les personnes qui le souhaitent peuvent suivre les cours de cuisine que nous organisons dans le cadre de l’Association genevoise des diabétiques**. On y utilise beaucoup d’aromates, d’épices, d’herbes, qui donnent du goût et de la saveur; en revanche, très peu de matière grasse. 
Essentielles: Combien de réunions faut-il envisager? 
A-M. C.: Pour quelqu’un qui n’a aucune base en diététique, il faut environ six réunions pour acquérir suffisamment d’informations, que les premiers résultats apparaissent et qu’il soit conforté dans l’effort qu’il fait. Le déclic se fait dès que la perte de poids s’amorce. Les bénéfices apportés sont la meilleure motivation pour continuer: les personnes se sentent mieux, plus légères, les valeurs du diabète se stabilisent. Elles constatent qu’elles ont tout à y gagner.
Il faut veiller alors à ne pas tomber dans le piège qui consiste à vouloir maigrir très vite en s’auto-imposant un régime très restrictif. Perdre rapidement des kilos acquis sur des années, c’est à coup sûr les reprendre rapidement. Un régime où l’on se prive de tout entraîne effectivement une perte de poids, le diabète baisse, mais des carences apparaissent. Comme ce n’est pas un régime fondé sur la réflexion de ce qui fait prendre du poids, les mauvaises habitudes alimentaires ressurgissent dès la fin du régime, et le poids remonte.
Essentielles: Proposez-vous un suivi aux gens qui vous consultent?
A-M. C.: Tout dépend des besoins de la personne et des changements qu’elle doit effectuer. Il ne faut pas oublier que l’alimentation, on doit y penser tous les jours. Il faut sans cesse s’adapter: le rythme des vacances est différent du quotidien, les périodes de fête amènent d’autres questions, un effort physique inhabituel aussi, ou encore une maladie…

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