Stress et diabète : acceptation et adaptation

On dit que le stress fait partie de la vie! Il apparaît donc important que les personnes diabétiques soient bien informées sur les effets et les conséquences potentiels du stress et des émotions sur le contrôle de leur diabète et sur leur qualité de vie. Cette connaissance pourra les motiver à mieux identifier les sources de stress dans leur vie ainsi que les moyens qu'elles peuvent utiliser pour y faire face.

Les sources du stress

Le stress peut influencer le contrôle du diabète et la qualité de vie de la personne diabétique de deux façons.
Premièrement, le diagnostic du diabète constitue bien souvent un choc, un stress qui peut bouleverser, voire dans certains cas ébranler la vie d'une personne et nécessite donc un travail d'acceptation ou d'adaptation psychologique. La non-acceptation du diabète et des exigences du traitement peut nuire à la motivation de la personne diabétique à l'égard de son traitement et à son contrôle glycémique de même qu'à sa qualité de vie et possiblement, à plus long terme, à sa santé physique et mentale.
Deuxièmement, quel que soit le niveau d'adaptation de la personne à son état diabétique, le stress (extérieur au diabète) peut en affecter le contrôle via l'impact négatif des hormones de stress sur la glycémie ou encore par l'utilisation de stratégies ou comportements peu efficaces de gestion du stress.

Un modèle d'adaptation au stress du diabète

Il est de plus en plus reconnu par les chercheurs qui étudient les stratégies d'adaptation à des situations menaçantes qu'une maladie chronique telle le diabète constitue en soi une condition de stress et suscite des réactions émotionnelles, de même qu'un travail d'acceptation ou d'adaptation psychologique.
En effet, tout comme d'autres maladies physiques chroniques du même type, le diabète constitue une perte de santé physique et une menace à la santé future par les complications à moyen et à long terme qui peuvent y être associées. De plus, le traitement complexe, exigeant et chronique du diabète est sous la responsabilité directe de la personne diabétique et nécessite une modification importante des habitudes de vie qui doit s'intégrer le mieux possible dans le cadre des activités et des obligations quotidiennes.
Ce traitement n'est pas parfait et peut comporter des effets secondaires comme les hypoglycémies ou les hyperglycémies, qui peuvent toutes deux s'avérer des situations de stress pour la personne diabétique.
Enfin, le diabète peut aussi amener un sentiment de perte d'intégrité psychosociale et une atteinte à l'estime de soi, sentiments qui peuvent être renforcés par les discriminations dont font encore l'objet les personnes diabétiques au plan du travail, des assurances et de l'obtention d'un permis de conduire.

Le processus d'adaptation

Le « Modèle d'adaptation au stress du diabète », élaboré au Département de psychologie de l'Université de Montréal, jette un regard neuf sur le rôle des réactions émotionnelles dans l'adaptation au diabète et offre une perspective nouvelle, transactionnelle et évolutive de l'adaptation aux exigences du diabète et de son traitement. Ainsi, le processus d'adaptation au stress du diabète consisterait en un « travail d'acceptation » composé des cinq stades suivants :
Le choc et le déni de la réalité sont des réactions souvent observées suite au choc et à l'anxiété causée par le diagnostic. Elles se caractérisent par la négation, le refus de l'existence même du diabète ou de son caractère chronique, ainsi que de la nécessité du traitement
(« Non, pas moi ! » « C'est une erreur. » « Ce n'est qu'une hausse de sucre temporaire, je vais guérir. »)
L'opposition et l'expression des sentiments ou la prise de conscience du caractère réel, sérieux et chronique du diabète suscitent une anxiété élevée et des attitudes d'opposition (voire de révolte), ainsi qu'un pessimisme face à la possibilité de parvenir à une bonne adaptation au diabète et à ses exigences (« Pourquoi moi ! » « C'est injuste, les autres sont en si bonne santé ! »)
Le marchandage constitue une phase intermédiaire caractérisée par une acceptation partielle du traitement, ainsi que par des tractations à l'égard des composantes du traitement qui ne sont pas encore intégrées (« O.K. pour les injections ou les comprimés, mais non pour la diète... Il faut bien vivre ! »)
Le stade d'auto-évaluation se subdivise en deux catégories selon que la réflexion profonde sur le caractère chronique et sérieux du diabète caractéristique de cette étape amène un niveau d'anxiété élevé (« auto-évaluation et hypervigilance ») ou modéré (« auto-évaluation et réceptivité » ) :
  • l'auto-évaluation et hypervigilance se caractérise par une anxiété élevée et des attitudes hypervigilantes à l'égard du diabète et du traitement (« Mon contrôle doit être parfait »). Ces attitudes sont reliées à un désir d'obtenir un contrôle parfait de la maladie et peuvent susciter des réactions intenses d'anxiété à l'égard des dérapages glycémiques ponctuels. Cette attitude perfectionniste donne souvent lieu à un suivi rigide du traitement et quelquefois à la limitation des activités sociales afin de minimiser les écarts glycémiques
  • l'auto-évaluation et réceptivité se réfèrent aux cas où la période de réflexion sur le caractère sérieux et chronique du diabète s'accompagne d'une anxiété modérée et d'attitudes positives d'acceptation et de réceptivité à l'égard de l'information utile pour mieux comprendre et contrôler son diabète (« Je vais voir ce que je peux faire pour parvenir à mieux le contrôler et à mieux vivre avec mon diabète. »)
L'acceptation active est le stade où l'individu prend conscience qu'il peut faire face au diabète en participant à son traitement et, en même temps, maintenir un bien-être psychologique et une vie sociale satisfaisante. (« Le diabète n'est plus un problème parce que je peux le contrôler. » « Je vis bien avec mon diabète. »)

Le travail d'acceptation

Il faut bien souligner ici que ce travail d'acceptation ne se fait pas selon un ordre chronologique spécifique, ni avec une durée précise pour chacun des stades. La durée de chacune des étapes peut dépendre de beaucoup de facteurs propres à l'individu et à l'environnement. Ainsi, on peut supposer qu'il est possible que certains individus complètent le travail d'acceptation au cours de l'année suivant le diagnostic, alors que d'autres peuvent nier ou s'opposer à leur condition diabétique pendant plusieurs années.
Par ailleurs, ce travail d'acceptation n'est jamais complètement terminé, de nouvelles contraintes (passage d'une médication orale aux injections d' insuline, diagnostic d'une complication, situations de stress tout à fait extérieures au diabète, etc.) peuvent survenir, amener des réactions appartenant aux stades antérieurs et ainsi réactiver le processus.
Une étude réalisée auprès de 144 patients diabétiques révèle que les personnes se situant aux stades d'« opposition et expression des sentiments » et d'« auto-évaluation et hypervigilance » améliorent moins leur contrôle glycémique suite à leur participation à un programme d'éducation sur le diabète que les individus appartenant aux trois autres stades (marchandage, « auto-évaluation et réceptivité » et acceptation active).
Cette étude fait également ressortir que les personnes qui parviennent au stade d'acceptation active suite au programme (évalués trois mois après le programme) conservent un meilleur contrôle de leur diabète lors d'une relance ultérieure (six mois ou plus après le programme) que les individus appartenant aux autres stades qui n'ont pas terminé leur travail d'adaptation psychologique à leur condition diabétique.

Influence du niveau d'acceptation sur le succès d'un programme d'éducation et de traitement sur le diabète


Stades*

Anxiété
Attitudes
Impact du programme
Opposition et expression des sentiments
fleche
Élevée
Négatives
Faible
Marchandage
fleche
Faible
Négatives
Bon
Auto-évaluation et hypervigilance
fleche
Élevée
Positives
Faible
Auto-évaluation et réceptivité
fleche
Modérée
Positives
Bon
Acceptation active
fleche
Faible
Positives
Bon

*Nous n'avons pu intégrer le premier stade de « choc et déni de la réalité » dans notre étude en raison des difficultés à distinguer une attitude d'acceptation active d'une attitude de déni avec les questionnaires à notre disposition.
La réussite d'une acceptation active apparaît donc comme un élément fondamental de la santé physique et mentale de la personne diabétique. En effet, l'étude longitudinale du Diabetes Control and Complications Trial (D.C.C.T., 1993) a bien fait ressortir que le maintien d'un bon contrôle glycémique pouvait grandement réduire la survenue des complications à long terme du diabète ainsi que l'évolution des complications débutantes.
De même, il est logique de penser que les sentiments d'efficacité personnelle et de contrôle sur le diabète propres à l'acceptation active pourraient prévenir les troubles de dépression souvent observés chez les personnes ayant un diabète de longue durée ou souffrant de complications sévères de leur diabète.

Les difficultés d'acceptation du diabète et du traitement

Si vous percevez que vous vivez contre votre diabète et votre traitement (opposition et expression des sentiments) ou pour votre diabète et votre traitement (auto-évaluation et hypervigilance), il pourrait être bénéfique d'identifier les moyens qui pourraient vous aider à en arriver à mieux vivre avec votre diabète et votre traitement.

L'opposition et expression des sentiments

Lors de l'étape d'opposition et expression des sentiments, le diabète est souvent perçu comme un ennemi, un handicap majeur. Le traitement apparaît très contraignant et amène souvent beaucoup de frustrations. Cette perception négative peut être associée à un sentiment d'impuissance où la personne croit (injustement) qu'elle ne sera jamais capable de s'adapter à son diabète et à son traitement et que les complications du diabète sont inévitables.
L'anxiété et la colère ressenties à l'égard du diabète et du traitement peuvent être intériorisées, mais souvent, elles sont extériorisées. L'expression adaptée de cette colère pourrait vous être bénéfique. Sous cette colère, il y a souvent de la tristesse, de la peur, de l'impuissance et l'impression d'être seul. Exprimer vos sentiments à votre médecin ou aux autres professionnels de la santé à qui vous faites confiance, rechercher le support de vos proches, d'amis ou d'autres personnes diabétiques, participer à un programme d'éducation sur le diabète et aux activités des associations locales de Diabète Québec pourraient vous être utiles.

L'auto-évaluation et hypervigilance

Lors du stade d'auto-évaluation et hypervigilance, la personne « vit pour » son diabète dans le but de le contrôler parfaitement.
Une telle attitude perfectionniste peut bien signifier que la personne n'a pas fait le deuil d'un contrôle parfait. Il s'agit donc de personnes qui observent leur traitement à la lettre sans faire d'écarts ou presque… Toutefois, une telle attitude perfectionniste peut affecter négativement la qualité de vie et pourrait être associée à plus long terme à des sentiments dépressifs (« dépression d'épuisement du diabète ») ou à des difficultés à contrôler le diabète comme nous l'avons observé dans notre étude. Ces personnes pourraient améliorer leur qualité de vie en adoptant des attitudes et des comportements plus flexibles à l'égard de l'observance de leur traitement et bénéficier de l'utilisation de moyens utiles pour réduire le stress et profiter de la vie avec leur diabète.

Les effets du stress sur le contrôle du diabète

Des situations de stress ou encore des conflits psychologiques tout à fait extérieurs au diabète peuvent également affecter l'équilibre du diabète des personnes diabétiques.
Le stress psychologique peut influencer le contrôle du diabète de deux façons.
Premièrement, le stress peut affecter l'équilibre du diabète par l'effet hyperglycémiant des hormones de stress. Lors d'une situation de stress, le corps réagit en sécrétant des hormones de stress soit les catécholamines (adrénaline, noradrénaline), le cortisol, le glucagon et l'hormone de croissance. Ces hormones de stress ont pour effet d'amener une hausse de la glycémie dans le but de procurer au corps l'énergie nécessaire pour lui permettre d'agir physiquement (fuir ou combattre) sur le stresseur. Toutefois, chez les personnes diabétiques (et surtout chez celles qui ont un mauvais contrôle du diabète) la hausse de glycémie peut subsister si l'insuline disponible est insuffisante ou encore absente. Par ailleurs, les études animales auraient davantage démontré que le stress psychologique amènerait davantage d'hyperglycémies chez les diabétiques de type 2.
Deuxièmement, le stress psychologique peut également influencer négativement le contrôle du diabète par les stratégies ou les comportements utilisés pour faire face au stress (manger plus ou moins, consommation excessive d'alcool, etc.) De même, un stress important peut également affecter négativement la motivation de la personne diabétique à participer à son traitement et, donc, à améliorer son contrôle glycémique.

Bien vivre avec le stress

Des informations portant sur une saine gestion du stress peuvent également s'avérer bénéfiques au maintien d'un bon contrôle glycémique et d'une bonne qualité de vie chez les personnes diabétiques
Le stress et les émotions ressenties par les personnes diabétiques, qu'ils soient reliés ou extérieurs à leur état diabétique, peuvent avoir à court terme des conséquences parfois importantes sur leur contrôle glycémique et leur qualité de vie.
À plus long terme, il nous est loisible de faire l'hypothèse que la non-acceptation du diabète ainsi qu'une condition de stress chronique pourraient affecter la santé physique (complications du diabète) ainsi que la santé mentale (prévalence accrue de dépression) des personnes diabétiques.
Il importe donc que les personnes diabétiques prennent conscience de l'impact du potentiel du stress psychologique sur leur contrôle glycémique et sur leur qualité de vie, puissent identifier les agents stresseurs (diabète ou stress extérieur) dans leur vie et recherchent des moyens utiles afin de mieux composer avec les réactions de stress et les émotions y étant associées.
En ce sens, l'expression de vos sentiments à votre médecin ou à d'autres professionnels de la santé à qui vous faites confiance, la participation à un programme d'éducation destiné aux personnes diabétiques et aux activités d'une association de personnes diabétiques ainsi que la recherche de stratégies efficaces de gestion du stress peuvent constituer des moyens utiles pour favoriser ou retrouver un meilleur contrôle du diabète ainsi qu'une meilleure qualité de vie. Toutefois, si les difficultés d'acceptation du diabète ou les symptômes de stress perdurent, consulter un psychologue spécialisé pourrait s'avérer important.

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